Le troll libre
J'ai ouvert les yeux sur le monde quand ce siècle avait deux ans.
C'était vers la fin de l'hiver, je suis descendu comme les grands.
Il me fallait tout découvrir, ma curiosité me guidait,
Les galeries me tendaient les bras, les profondeurs déjà m'appelaient.
Attiré par les gigots d'gob' j'allais de trésor en trésor,
Je courais dansais et riais, j'en voulais encore et encore.
J'ai trouvé une dague de mithril, j'en étais fier comme un dindon,
Je la portais en paradant. Disons-le, j'avais l'air d'un con.
Agacé par ce trollinou qui semblait se prendre pour un gritch,
Un autre troll bien plus âgé décida de me botter les miches.
J'étais très ignorant de tout mais je n'avais peur de rien,
Avec ma belle dague toute neuve je frappai le vil sagouin.
Et puis un autre est arrivé, a liquidé mon agresseur,
Mais quand j'ai voulu le remercier il m'a frappé avec ardeur.
Il était encore plus âgé et ma lame ne put le toucher,
Mais il me lançait des bourre-pifs que je ne pouvais éviter.
Alors vite je suis remonté, je devais me mettre à l'abri,
J'ai pansé mes plaies au soleil, soigné mes miches endolories.
À cause de ça j'ai réfléchi, et forcément l'idée me vint
Qu'en groupe on est plus efficace, qu'un seul troll vaut moins que vingt.
J'ai donc rejoint les Nighthunters, et en meute j'ai repris la chasse,
J'étais petit donc finisseur, et ça c'était vraiment la classe.
Mais la guerre vint à éclater, on craignait l'arrivée du Sombre,
Je me jetai dans la bataille, moi qui avais peur de mon ombre.
J'étais jeune et sans expérience, les gros me regardaient de haut,
Mais en participant au Rituel j'aidai à écarter le fléau.
Puis écœuré par l'attitude de tous ces gros lumineux
Qui écrasaient les trollinous et se prenaient pour des dieux,
Qui non contents de les railler n'hésitaient pas à les voler,
Je perdis tous mes repères, je me mis à assassiner.
Abandonnant tous les loups, je partis avec un ami.
Nous fondâmes notre propre clan, du crime je fis l'apologie.
Un jour ma danse de mort prit fin, d'un culte je devins le guru,
Je prônais la paix et l'amour, le fou était devenu doux.
Cette époque aussi n'eut qu'un temps, je retrouvai les Nighthunters,
Et tous m'ouvrirent grand les bras : pour eux j'étais toujours des leurs.
La chasse entre loups a repris, j'étais rentré à la maison,
Les monstres tremblaient devant nous, et nom d'un gob' ! que c'était bon !
Peu à peu, d'une traque à l'autre, nous avons retrouvé nos marques,
C'était tranquilles et sereins que nous menions notre barque.
Puis un jour le nouveau chasseur est redevenu Chapelain
Preuve s'il en était besoin qu'il avait retrouvé ses copains.
Mais mon amour des profondeurs jamais n'avait pu s'éteindre,
Et un soir de désœuvrement je le vis de nouveau se poindre.
J'ai salué tous mes amis, ensemble nous avons dansé,
Nous avons bu toute la nuit, au petit matin j'ai vidangé.
Alors entamant mon voyage, j'ai traîné ma grande carcasse
Le long des parois rocheuses, toujours plus loin de la surface.
J'ai bien fait tomber ton record, Nyctalope l'exploratroll !
Et puis maintenant je reviens, pour retrouver mes copains trolls.
Le Hall est un monde difficile, et je suis un être compliqué,
Mais mon errance est terminée, ma quête est enfin achevée.
Il ne me reste qu'à rentrer, j'ai retrouvé mon équilibre.
La chasse avec les loups peut reprendre : maintenant je suis un troll libre.